Les petites histoires du crowdfunding, bonnes ou mauvaises

Escroquerie et passionnés

On parle souvent des grosses campagnes, des millions qui couleraient des backers aux éditeurs comme une manne infinie. Mais le crowdfunding, ce sont aussi plein de petites histoires, bonnes ou mauvaises, que vivent souscripteurs et porteurs. Souvent ensemble, parfois non. Pour le meilleur et pour le pire.

Pour le meilleur...

En scrutant les nouveautés chez Philibert aujourd'hui, je découvre un article qui ne me dit rien. Ou du très vague : Night of Man - Kickstarter Expansion. Un petit tour sur Kickstarter et je découvre un wargame "hex & counters" un peu old school financé en... décembre 2014 par 164 contributeurs. (lien KS pour les curieux^^).

Le jeu avait été livré avec un an de retard, la faute pour beaucoup à un délai de livraison irréaliste de six mois. Et voici donc que, plus de quatre ans plus tard, on trouve en boutique les Stretch Goals décrochés lors de la campagne réunis en une extension permettant, notamment, de jouer en solo.

Je ne suis pas là pour vous "vendre" la chose. Cela intéresse probablement à peine une poignée de spécialistes. Et le tarif est... ouille!

Il est par contre réjouissant de voir un projet ultra confidentiel continuer à vivre plus de quatre ans après la fin de sa campagne. C'est rare. Très rare. Respect !

Night of Man - Expansion

...et pour le pire.

Malheureusement, Kickstarter n'a pas que de belles histoires à raconter. On oublie facilement que, derrière chaque pledge, il y a un risque. Des risques : que le jeu livré ne soit pas conforme aux promesses, qu'on se trompe et qu'il ne corresponde pas à nos attentes, qu'il soit mal fabriqué ou qu'on ne reçoive finalement rien.

On a ainsi appris hier que l'éditeur Games Factory avait mis la clé sous la porte. Et ne livrerait donc jamais, ni ne rembourserait évidemment, deux projets financés : Board Game Creative Kit -pas vraiment un jeu, mais quasiment puisque un "kit" pour réaliser des protos/maquettes de ses créations- financé par 445 contributeurs (lien KS) et Solar City financé en juillet dernier par 834 joueurs qui ont cru en ce jeu de construction-optimisation de ville.

On va éviter de tirer des conclusions trop hâtives sur le pourquoi de cet échec. Une news publiée sur Kickstarter accuse le patron de la boîte de s'être tiré avec la caisse et d'avoir menti à tout le monde tout ce temps, backers, partenaires et employés. Néanmoins, de grosses zones d'ombre subsistent. Et l'histoire ne tient pas forcément toujours debout. Comme fuir à l'étranger pour un gain finalement dérisoire (des 70k€ récoltés sur KS, il ne reste probablement rien après tout ce temps, qui serait assez con pour s'expatrier pour si peu ?).

L'important ici est que les backers ne verront jamais rien de leur investissement. Cela m'est arrivé une fois et cela arrivera à toute personne pratiquant le financement participatif. N'espérez pas passer à travers!

Nous avons la chance de pratiquer un loisir où ce genre d'histoire puante est rarissime. Car les porteurs de projets, auteurs et éditeurs, sont quasi systématiquement des passionnés. Qui ont à cœur de voir les jeux, dans le développement desquels ils se sont investis corps et âme, voir le jour. Et être joué; car c'est là la finalité : que d'autres y jouent.

Ce genre d'histoire est rarissime et cela explique pour beaucoup le succès actuel du crowdfunding de jeux. Là où, dans tellement d'autres domaines, le risque est nettement plus grand de tomber sur un escroc ou, hélas, des incompétents. Les projets ludiques à plusieurs millions se multiplient et se sont finalement de petits projets qui foirent.

Mais ne vous bercez pas d'illusion : un jour ou l'autre, un projet majeur tournera court. Et ce jour-là, il n'y aura personne pour reprendre le bébé en cours de route comme cela a pu arriver avec Ghosts Love Candy (mon seul soutien foireux, je suis des chanceux) ou d'autres. [Vu la façon dont Games Factory a foiré, difficile d'espérer un repreneur pour ses deux projets. Désolé si vous en étiez]

Kickstarter a déjà permis à des milliers d'histoires de s'écrire. Dans le monde du jeu, les belles histoires sont nombreuses. Et les mauvaises, finalement rarissimes. Tant qu'on reste motivés par la passion, il devrait en être ainsi.

6 commentaires

  1. @zemeckis Ah Ah ! Non, l’admin ne s’est pas fait avoir. Ou… il a eu du bol de pas se faire avoir^^ vu que Ghosts Love Candy avait été perdu suite à la mise en faillite de son auteur-éditeur (qui devait avoir trois projets financés en cours). Mais a été repris par Steve Jackson Games et finalement livré à tous les backers. Les bonnes surprises, ça arrive.

    Et je ne pense pas non plus qu’un système infaillible soit possible. Ni même de lister pour chaque projet les risques etc. D’une car c’est bien trop de boulot vu la quantité de nouveaux projets chaque semaine. Ensuite car chaque backer met ses curseurs où il le souhaite, on n’est pas tous sensibles aux mêmes critères. Enfin car cela n’empêchera pas les accidents. Le gars de « mon » Ghosts Love Candy avait toutes les allures de l’éditeur fiable (plusieurs projets, livrés, à son actif; présence dans la distrib boutique; petits jeux sans gros enjeux; bien connu dans la communauté) et a pourtant planté trois projets en se mettant en faillite. Comment déterminer qu’il confond chiffre d’affaire et fonds propres ?
    Les petits projets sont les plus sensibles finalement. Ce qui rend d’autant plus difficile la détection des risques. Mais je prédis qu’un gros, produisant des gros jeux, soutenu par des milliers de joueurs, avec un excellent passif et tellement connu que personne ne pourrait penser que… un de ceux-là se plantera un jour. Le jour où une gestion défaillante fera s’effondrer un édifice qui paraissait pourtant sain.
    C’est comme ça : le participatif n’est pas sans risque. Il faut l’accepter. Et se réjouir que dans le domaine du jeu de société, le risque est nettement plus faible que dans d’autres domaines (comme le jeu vidéo ou le high tech). Faible, mais pas nul. Chaque fois que tu pledges, il faut accepter l’idée que tu ne recevras peut-être rien.

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  2. @flceoap il n’y a pas de recettes miracles. Surtout que le marché évolue sans cesse, ce qui était vrai hier peut être faux aujourd’hui. De plus, nous n’avons pas toujours des avis convergents, et personne ne peut prédire l’avenir. L’article ci dessus le prouve bien : même l’admin a pledgé un jeu qui ne sortira jamais ^^. De toute façon, on ne parle pas de vérité, mais de risque. Supposons par exemple que le risque est de 1 chance sur 1000 que le projet foire. C’est très peu, tu es confiant. Mais pourtant, le risque est toujours là…

    Le mieux est d’aller sur cwowd pour chaque jeu qui t’intéresse, de lire les avis des autres, et de te faire ta propre opinion. Mais on auras toujours des surprises, bonnes ou mauvaises. Et tant mieux, ça nous remet en question, on change d’avis, on échange.

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  3. Article intéressant, merci ! Un article identique, mais plus exhaustif a-t-il déjà été écrit d’ailleurs ? Du genre, petit bilan du crowdfunding, avec les plus grands fails épiques et les réussites les plus belles ?

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  4. Ouf ! J’avais hésité pour le Board Games Creative kit. J’étais en vacances et j’avais loupé la clôture du ks. J’ai renoncé au late pledge, bien m’en a pris.

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  5. Article très sympa !

    Sinon @flceoap Y’a pas de recette pour choisir les jeux 😉 faut arriver à se projeter, c est plus dur pour certains que d autres, réunir des avis aller voir des vidéos, lire des règles et parier à la fin sur un jeu plutôt qu’un autre ^^

    Sinon pour la deuxième partie de ton message il suffit avant de backer d aller sur le forum cwowd du projet et les gens qui parlent informe toujours si le porteur est foireux, si y’a des trucs un peu louches ou si au contraire tout paraît excellent.
    Et trois Ks depuis décembre c est pas tant que ça tu sais =p

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  6. Article intéressant ! Et d’ailleurs, c’est une question que je me pose : avec l’offre pléthorique de jeux sur le marché, comment arriver à choisir le jeu « nouveau » qui est au sommet de la tendance KS et des jeux qui sont peut-être là depuis quelques années mais sont toujours solides ? Ou même, comment trouver ces petites perles ? BGG est effectivement une énorme base de données mais… je trouve tout de même que les évaluations sont biaisées (et plaisent surtout à un marché américain).

    Je voudrais aussi faire une suggestion : en lisant de nombreux topics de ce site, je me rends compte qu’il y a des personnes expérimentées dans le domaine du « crowdfunding » (parce qu’ils ont été du côté de la présentation de projet ou… très souvent clients !). Et donc, je rencontre également des conseils pour évaluer les projets (alignement « complexité-somme minimale requis-expérience du porteur », réputation de certaines personnes que ça soit en positif ou négatif, présence ou non de règles…)
    Est-ce que cette énorme connaissance ne pourrait pas être synthétisé ? Peut-être dans un premier article général pour ouvrir les yeux à ceux comme moi qui arrivent avec des étoiles pleins les yeux et pour qui tout est formidable (il a fallut beaucoup d’effort pour ne participer qu’à 3 KS depuis décembre 2018…) puis un topic qui vivrait avec des conseils et des mises-à-jour sur les compagnies qui sont « blacklistés » par certains membres et pourquoi.
    Certes, l’information existe mais est tellement dispersée que je suis certain que nous serions nombreux à en profiter !

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